Article issu du site Le Point - Publié le 21/03/2013
Marche ou rêve. Pour Hugh Herr, ses jambes artificielles ne sont pas seulement fonctionnelles, elles sont aussi élégantes.© Louis Baguenault
Hugh Herr : Le Pape de la prothèse bionique !
VIDÉO. L'un des chercheurs du prestigieux Massachusetts Institute of Technology, la Polytechnique américaine, est un grimpeur doublement amputé. Rencontre.
On arrive à le coincer à la fin d'une conférence sur la robotique médicale. Hugh Herr n'a peut-être plus ses jambes, mais lui mettre la main dessus relève du parcours d'obstacles. Il faut dire que le scientifique américain est constamment sollicité au salon Innorobo de Lyon. Et pour cause : c'est une des stars de cette troisième édition de la foire aux robots. Un presque demi-dieu même, dans le petit monde des passionnés de droïdes. Chef du Laboratoire de recherche biomécatronique du MIT, il dirige aussi iWalk, une société spécialisée dans la conception de prothèses de pied et chevilles autonomes.
Large front planté de cheveux bruns, grand corps athlétique, ce père de deux enfants porte beau à presque 50 ans. Il a cette fois troqué ses guiboles bioniques contre de simples prothèses, cachées sous un pantalon sombre. En général, il n'hésite pas à les exhiber. Quitte à en jouer, en se donnant des allures de cyborg devant les photographes. "De toute façon, en dessous des genoux, je ne suis qu'un tas de vis et de boulons", assume-t-il, tout en froide dérision. Pas de doute, cet homme a la robotique dans la peau.
Il invente un genou artificiel commandé par ordinateur
Hugh Herr ne fait pourtant pas partie de ces génies biberonnés à la science-fiction. S'il est tombé dedans, c'est par accident. Au sens propre. À 17 ans, ce mordu d'escalade est amputé à la suite d'une expédition d'alpinisme qui a viré au cauchemar : trois jours coincé dans une crevasse gelée du New Hampshire. Il aurait pu en rester là, estropié, figé dans ses jambes artificielles rudimentaires et inconfortables. Mais non : "Dès lors, je me suis donné pour mission d'accélérer le progrès." Il fabrique ses propres gambettes, adaptées à l'escalade, et subjugue ses médecins en réalisant l'impensable : pouvoir de nouveau grimper en montagne. Un petit pas pour le jeune homme, un pas de géant pour la recherche sur les outils d'assistance orthopédique.
Aujourd'hui, le chercheur collectionne les brevets. Dont celui du génial Rheo Knee, genou artificiel commandé par ordinateur. Ou de la première prothèse de cheville robotisée du monde, conçue en 2007. Des inventions qui assurent à leurs propriétaires une démarche moins fatigante et plus proche des mouvements biologiques. "D'ici une vingtaine d'années, je pourrai certainement me mouvoir plus facilement qu'un gamin de 18 ans", ose même l'ingénieur. C'est la théorie renversante de Hugh Herr : dans un avenir proche, mieux vaudra être un amputé qu'un valide !
Il nous fait marcher ? Pas sûr. Dans le domaine des prothèses, la recherche avance à la vitesse d'un sprinteur. Quel gouffre entre les quasi-jambes de bois d'il y a 20 ans et les petits bijoux de technologies bourrés de microprocesseurs et de capteurs qui équipent aujourd'hui les handicapés. Prochaine étape pour les scientifiques : maîtriser l'interface pensée-machine. Soit la possibilité d'actionner une prothèse par des implants d'électrodes dans le cerveau. Pour Hugh Herr, ce ne sont pas des rêves. L'homme garde les deux pieds sur terre. Bien dans ses baskets.
Regardez. Hugh Herr explique le fonctionnement de ses prothèses au salon Innorobo :